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Remiremont - « Mourir de nos jours » par le Dr Philippe Dulucq

La conférence/débat « Mourir de nos jours » organisée par le Groupe Interreligieux le vendredi 10 mars dernier a été dominée par l’exposé du Dr Philippe Dulucq. Sa conférence n’ayant laissé personne indifférent, nous la reproduisons pour nos lecteurs en plusieurs parties.


Un thème vieux comme le monde


Dr Philippe Dulucq : « Le thème de la conférence/débat « Mourir de nos jours » est à la fois vieux comme le monde, comme le fait de naître et de mourir, et en même temps un sujet d’actualité en raison des interrogations sur la manière dont se passe la fin de la vie en France. Le but de cette réunion est de réfléchir ensemble sur l’évolution de nos attitudes devant la mort et de la place de la médecine dans cette évolution. Nous examinerons l’état actuel des textes législatifs en vigueur et les projets en cours, ainsi que la législation des pays ayant déjà statué sur ce sujet. Ce sujet de société sera évalué ensuite par les autres intervenants au regard des différentes religions représentées ».


Mourir autrefois...


« Le titre de notre soirée « Mourir de nos jours » sous-entend que l’on mourrait autrement autrefois. Nos attitudes devant la mort ont en effet progressivement et énormément changé en deux siècles, comme nos attitudes devant la maladie. Un bref rappel historique de l’évolution des mentalités est nécessaire pour comprendre là où nous en sommes.


La mort « classique », jusqu’à la fin du XIXe siècle : pour les chrétiens, (je ferai souvent référence aux chrétiens dans cet exposé, parce que c’est pour beaucoup notre histoire et notre culture.) la mort est une vraie naissance, avec la possibilité du salut, mais aussi la crainte de l’enfer. Nos anciens craignaient moins la mort elle-même que ses conséquences pour l’au-delà. D’où l’importance d’être conscient pour la confession, la prière, la contrition publique, la rédaction d’un testament organisant ses obsèques, disposant de ses biens et faisant œuvre de charité. C’était la mort en public, en famille. Le mourant semblait présider un cérémonial que tout le monde connaissait, à laquelle il avait déjà participé. C’est toute la communauté (la famille, les voisins, les amis) qui accompagne le passage de la vie à la mort. C’était la mort « apprivoisée « (Philippe Aries). Deux exemples : Jean de La Fontaine, dans « Le Laboureur et ses Enfants » :ʺUn riche laboureur, sentant sa mort prochaine fit venir ses enfants, leur parla sans témoin...ʺ - Ou encore, un peu anachronique, la mort en public, devisant avec tous ses amis, de Panisse dans César de Marcel Pagnol. C’était l’idéal de la « bonne mort », attendue, acceptée, préparée, accompagnée. À l’inverse, la « male mort » (ou la mauvaise mort), c’était la mort subite, dont nos anciens avaient une peur panique. Il y avait autrefois une prière du soir qui disait « De la mort subite et imprévue délivrez-nous Seigneur ». Les obsèques, les manifestations du deuil étaient publiques, parfois bruyantes dans les pays méditerranéens, favorisant la familiarité avec la mort ».


L’attitude devant la mort va changer progressivement.


« La mort, si présente autrefois, va s’effacer, presque disparaître de la vie sociale. Dès le XIXe siècle, on assiste à un déclin de l’emprise religieuse sur la vie et sur la mort. L’agonie et la mort cessent d’être une punition pour devenir un phénomène naturel. On ne meurt plus au même âge, des mêmes causes, au même endroit. On meurt plus âgé en moyenne (85,3 ans pour les femmes, 79,3 ans pour les hommes). On meurt moins à domicile, mais dans 70 % des cas dans un établissement de soins. La taille des familles s’est réduite. On meurt seul si on est le dernier survivant du couple et que les enfants sont au loin. La mort acceptable doit être maintenant discrète. Souvent, la famille n’assiste pas à l’agonie. La mort n’est plus une cérémonie rituelle que le mourant préside, mais souvent un arrêt des soins discrets par décision de l’équipe hospitalière et de la famille. On ne montre pas le cadavre aux petits enfants et, souvent, par souci de les préserver, ils n’assistent pas aux obsèques. On cache le mort, le cercueil est vite fermé. La veillée funèbre disparaît. Parfois, les condoléances à la fin de l’enterrement sont supprimées. Le deuil n’est plus un temps nécessaire et respecté socialement, les manifestations apparentes du deuil disparaissent. Il est presque tabou de parler de la mort et de ses déchirements, comme il était autrefois tabou de parler de sexualité.



La crémation (en France, 40 % des décès contre 1 % il y a 30 ans) concourt à la banalisation des obsèques avec la dispersion des cendres. En Lorraine, la fréquentation des cimetières est encore une tradition vivante, mais en voie de diminution. Deux grands changements au XXe siècle : « Le mourant a perdu ses droits. Il est mis en tutelle comme un enfant mineur. Il n’a plus le droit de savoir qu’il va mourir. Puis, quand il a perdu conscience, il est abandonné, percé de tubes divers, avec une longue agonie. » La « bonne mort » d’aujourd’hui, c’est la mort subite. La « male mort » d'aujourd'hui, c’est la mort laide sans élégance, perturbatrice pour l’environnement »... À suivre


La suite de cet exposé du Dr Philippe Dulucq dans un prochain article.

JC Bigorne.

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