Uxegney - l’Usine en clair-obscur : trois artistes, une respiration commune
- actuvosges88
- il y a 10 heures
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À l’entrée d’Uxegney, le long de la rue Victor Perrin, un ancien site industriel se transforme chaque week-end en refuge pour les imaginaires. L’Usine, avec ses murs chargés d’histoire, ouvre ses portes aux regards curieux du 6 au 28 septembre 2025, de 14 h à 18 h 30. Et cette année, c’est une alchimie rare qui s’y prépare : Pierre Pelot, Harmony Descamps et Eric Claude se rejoignent pour une triple exposition qui tient du dialogue et de la collision poétique. Trois univers, trois langages, un même élan.

Quand un romancier retrouve ses pinceaux
Son nom évoque pour beaucoup la littérature : Pierre Pelot, écrivain prolifique, voyageur des mots. Science-fiction, romans noirs, récits préhistoriques, westerns ou sagas historiques… près de deux cents ouvrages jalonnent son parcours. Mais avant d’être conteur, il fut dessinateur. À dix-neuf ans, il osa envoyer ses planches à Hergé, le père de Tintin. La réponse, célèbre dans son histoire personnelle, tint de l’encouragement et du défi : « Texte brillant, dessin encore maladroit ». Alors Pelot s’empara de la plume. Hergé, séduit, ira jusqu’à signer la seule préface de sa carrière pour Le Tombeau de Satan (1969).
Soixante ans plus tard, c’est le peintre que l’on découvre à l’Usine. Ses toiles ne parlent plus seulement en mots mais en atmosphères. Pelot peint les Vosges, ses collines feutrées, ses brumes diffuses, ses lueurs du matin. Il peint aussi l’intime, le corps féminin, avec retenue et délicatesse. Là où ses romans tenaient en haleine, ses pinceaux chuchotent. Le spectateur se sent invité dans un monde intérieur, silencieux mais vibrant, comme un récit qu’on lirait du bout des yeux.
Harmony Descamps : les visages comme paysages de l’âme
Face aux œuvres d’Harmony Descamps, on est frappé par l’intensité des regards. Très tôt, elle a compris que le dessin serait son langage premier. Paris l’a formée, mais c’est sa sensibilité qui l’a façonnée. Ses crayons, ses fusains, ses huiles racontent ce que les mots taisent. Descamps s’inspire des grands maîtres flamands et italiens, mais son œuvre reste profondément contemporaine.
Chaque portrait qu’elle réalise semble s’échapper du cadre pour venir nous chercher. Ombres et lumières s’y mêlent, révélant des émotions enfouies : fragilité, force, doute, grâce. Les visages qu’elle compose ne sont pas seulement des traits : ce sont des portes vers l’intime. L’artiste explore cette frontière entre ce que l’on montre et ce que l’on cache, et c’est sans doute cette honnêteté qui rend ses œuvres si troublantes. On ressort de sa salle comme après une rencontre : touché, questionné, parfois bouleversé.
Eric Claude : la mémoire des matières
Avec Eric Claude, l’espace se transforme en terrain d’expérimentation. Originaire du Val-d’Ajol, il a toujours cherché d’autres supports, d’autres gestes. À treize ans, déjà, il peignait sur des draps enduits de farine, craquelés comme des fresques anciennes. Puis sont venus les chocs esthétiques : Boudin pour ses ciels, Dalí pour son audace, Basquiat pour sa liberté, Tàpies pour sa matière.
À L’Usine, il présente ses « scarigraphies », une technique qu’il a lui-même développée : gratter, entailler, scarifier la peinture pour faire surgir les couches passées. Ses toiles sont comme des palimpsestes, des mémoires visibles. Ses photomontages peints, ses graphismes urbains et ses installations évoquent la ville, la consommation, l’écologie, la liberté d’expression. Il y a du bruit et du silence, du chaos et de l’ordre, du concept et de l’instinct. L’œil est attiré, puis accroché par un détail, une couleur, une blessure dans la matière.
Un même espace, trois énergies
L’intérêt de cette exposition tient dans la rencontre. Rien ne semblait prédestiner ces trois artistes à se retrouver dans une même salle, et pourtant leurs univers dialoguent. Le récit pictural de Pelot répond aux visages habités de Descamps ; les matières de Claude viennent briser et relier tout à la fois. Le visiteur passe d’une pièce à l’autre comme on change de chapitre, mais un fil invisible relie le tout : l’émotion, la curiosité, le désir de dire quelque chose du monde.

Le vernissage aura lieu le samedi 6 septembre à 18 h 30, en présence des artistes. L’entrée est libre et ouverte à tous, une invitation à rencontrer trois visions singulières et complémentaires. Dans ce lieu à la fois brut et chaleureux, à quelques kilomètres d’Épinal, l’art se fait conversation, confidences et parfois électrochoc.
À l’heure où tout s’accélère, cette triple exposition offre une pause : une respiration pour l’œil et l’esprit, un moment pour se laisser surprendre par la couleur d’une ombre, la douceur d’un trait ou la force d’une entaille. Trois artistes, trois univers, une même vibration – et un rendez-vous à ne pas manquer.
Pour visiter les expos :
Les week-ends, de 14h à 18h30, du 6 au 28 septembre 2025
A l'Usine, rue Victor Perrin
Rédaction : Alain Reynders
Photos : Grand Angle Epinal
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