Uxegney – « L’Usine » devient écrin d’âmes où huit artistes exposent lors d’une exposition au souffle poétique
- actuvosges88
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Au cœur des Vosges, dans le décor brut et vibrant de l’ancienne usine d’Uxegney, une alchimie rare s’est produite. Du 7 au 29 juin, chaque week-end, les murs industriels se transforment en résonateurs d’émotion, accueillant huit artistes venus de mondes différents, mais réunis par une même quête intérieure. L’exposition, sobrement nommée « Champs de Rêves », tisse un dialogue entre matières, mémoires et imaginaires. Là où autrefois résonnaient les machines, résonnent désormais les voix du sensible. Avec « Champs de Rêves », l’art se fraie un chemin entre les silences du métal et les murmures de la. mémoire.

Une inauguration comme un souffle d’âme
Le samedi 7 juin, les premiers visiteurs ont franchi les portes du lieu transformé, attirés par le mystère d’un événement culturel hors normes. Pascal Skapal, figure bien connue de la scène artistique locale, a mené la soirée avec sensibilité, palliatif précieux à l'absence de Daniel Visse, président de l’hôte « Grand Angle »retenu pour une exposition parallèle à Moyenmoutier.

L'inauguration sous la houlette de Pascal
Lors des présentations chaque artiste a pris la parole. Une introduction sobre et vibrante, où Arman Tadevosyan, à l’origine du projet, a ouvert le bal. Dans un discours empreint de gratitude et d’émotion, il a salué les élus et partenaires présents – Philippe Soltys, maire d’Uxegney, Sylvain Demange, premier adjoint, Michel Terrier, représentant des arts vivants, et Laetitia Reynders, écrivaine – tout en rendant hommage à ses compagnons de création. Son accent arménien portait une émotion particulière, car cette exposition, en grande partie, a célébré l’héritage arménien à travers six artistes enracinés dans cette culture, riche, blessée, et lumineuse.

Les artistes avec Philippe Soltys maire d'Uxegney

Arman Tadevosyan,a présenté ses amis artistes et co-exposants

Beaucoup de monde pour cette belle inauguration

L’Arménie à l’honneur : entre exil et renaissance
Plus qu’un hommage, « Champs de Rêves » devient un territoire de mémoire. Un lieu de passage entre racines et devenir.
Arman Tadevosyan, le poète aux visions mystiques
Installé à Nancy, Arman Tadevosyan, plasticien, est un créateur aux multiples visages : peintre, vidéaste, photographe. Marqué dès l’enfance par le séisme de Leninakan en 1988, s
on œuvre oscille entre grâce et tragédie. Il a composé des paysages mentaux, hantés par les fantômes de l’exil et traversés par la lumière des grands maîtres de la Renaissance. Chaque toile, chaque installation, semble chercher un équilibre entre le monde qui s’effondre et celui qui renaît.


L’œuvre (huile sur toile) intitulée "La danse"
Leo Ava, l'art en mouvement, entre frontières et luttes
Artiste engagé établi à Strasbourg, Leo Ava a mêlé performance, peinture et installation dans une démarche politique. Son art est le cri d’une génération déplacée, en quête de sens et d’humanité. Chez lui, chaque œuvre est un geste, un refus, un manifeste. À travers les textures brutes, les lignes fuyantes, il a tracé une cartographie de la fuite et du combat, à la croisée des luttes sociales et du voyage intérieur.

Léo Ava (Photo facebook)
Hermine Demiro, les couleurs croisées du monde
Installée au Mexique, Hermine Demiro incarne le métissage artistique. Ses œuvres font dialoguer l’Arménie de ses origines et la chaleur chromatique du continent latino-américain. Peinture murale, animation, illustration : elle explore le fil de l’héritage par des formes nouvelles, réinventant le récit à travers des teintes vibrantes, comme autant de passerelles entre deux cultures.

Hermine Demiro (Photo Pulso)

Sirarpi Mikayelyan, la mémoire sculptée
Née à Erevan, formée entre l’Arménie et la France, Sirarpi Mikayelyan modèle la matière avec pudeur et intensité. Ses sculptures questionnent les lignées, la transmission, le corps comme trace. Installée à Strasbourg, elle enseigne l’art comme un acte solidaire, mêlant pratique artistique et engagement humain. Ses formes douces, presque silencieuses, abritent pourtant des tempêtes de sens.

Sirarpi Mikayelyan (Photo Facebook)

Gago Chtchyan, le souffle ancestral
Figure de proue de la scène arménienne contemporaine, Gago Chtchyan est un conteur de formes et de souvenirs. Son œuvre navigue entre tradition picturale et audaces modernes, voyageant de Chicago à Berlin, de Tokyo à Erevan. Chaque toile est une stèle de mémoire, une énigme chargée d’icônes, de gestes oubliés, de rêves passés au tamis du présent.

Gago Chtchyan


Artouche Mkrtchian, le nomade visionnaire
Globe-trotter de la création, Artouche Mkrtchian a parcouru le monde en quête d’impressions à transfigurer. De Prague à New York, de Sofia à Paris, il a exploré les liens entre territoire, errance et imaginaire. Son œuvre polymorphe, à la fois picturale et narrative, agit comme une mémoire vivante : toujours en mouvement, toujours en tension.


Deux artistes françaises, deux univers en résonance
Si l’Arménie constitue le fil conducteur, deux artistes françaises viennent apporter leur propre voix au chœur d’« Usine des songes ».
Aude Vaxelaire, la dentellière du feu
Originaire des Vosges, Aude Vaxelaire forge le métal comme d’autres sculptent le silence. Dans son atelier niché dans les hauteurs de La Bresse, elle apprivoise la matière brute avec une douceur sauvage. Ancienne métallière reconvertie en sculptrice, elle mêle technique ancestrale et inspiration poétique. Son atelier, « Les Mots Bleus », est un refuge de transformation. À travers le fer, la glace, le bois ou la neige, elle a composé des œuvres qui vibrent d’humanité et de mémoire. Chaque pièce, ciselée avec soin, révèle une force féminine indomptable, un souffle ancien réinventé par la grâce contemporaine.



Isa de Fougères, la peintre des voiles et des énigmes
Chez Isa, la peinture ne montre pas, elle suggère. Le corps féminin y devient territoire de sens, symbole mouvant, figure archétypale. Par des couches de glacis, elle construit un récit sans mots, une cartographie de l’intime. Les visages y sont absents ou masqués, les regards suspendus dans un silence chargé de mystère. Chaque toile est une invitation à l’écoute intérieure, un miroir trouble tendu au spectateur. Isa peint comme on chuchote à l’âme. « Je suis moi », dit-elle, « mais une moi que je découvre en peignant ».




L’exposition comme territoire intérieur
Peu de lieux incarnent aussi bien leur nom : L’Usine des songes. Dans cet espace transformé, l’art ne se contente pas d’être exposé. Il s’épanouit, s’incarne, nous traverse. La matière devient mémoire, la lumière devient langage. Chaque œuvre est une porte, chaque regard un voyage. Ici, le spectateur n’est pas spectateur, mais voyageur intérieur.
Peinture, sculpture, métal, installation… Tout s’entrelace dans une symphonie d’émotions. « Champs de Rêves » ne raconte pas une histoire : il invite à en rêver mille.






Informations pratiques
Dates : du 7 au 29 juin 2025 – les samedis et dimanches de 14h à 18h30Lieu : L’Usine – Uxegney, VosgesEntrée libre – tout public
« L’art ne se possède pas, il se traverse »
Uxegney nous rappelle, à travers cette exposition, que l’art n’est pas une simple vitrine mais une expérience partagée. Une langue commune, au-delà des mots, des origines, des blessures.Dans cette usine devenue sanctuaire, les artistes ne livrent pas seulement des œuvres : ils offrent une part d’eux-mêmes. Une exposition où le visiteur repart, les yeux pleins de formes, le cœur un peu plus vaste.
Rédaction et photos : Alain Reynders
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