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Flavigny – Mario Luraschi en conférence ludique au Ménil Saint-Michel

Pour sortir des sentiers battus, les responsables du "Ménil Saint-Michel" ont réussi à faire venir Mario Luraschi, le cascadeur-dresseur le plus capé dans le monde cinématographique et des spectacles vivants.

Mario Luraschi - septembre 2023 au Ménil Saint-Michel

Une soirée qui a duré au-delà de minuit

Mario Luraschi, c’est, dans le monde équestre, une légende vivante. Né en 1947, il a eu un parcours atypique. Attiré par le monde du cirque, gymnaste de très bon niveau (champion de France dans sa catégorie) et un peu tête brulée, le jeune Mario a toujours souhaité vivre «sa» vie. Du côté parental, on privilégiait d’abord les études.

« Mon père m’a dit : tu feras ce que tu veux, dès que tu auras réussi tes études ! » J’ai obtenu mon diplôme en aéronautique qui ne m’a jamais servi à rien. Du coup, mon père m’a fichu la paix et je suis parti un mois en Espagne, à la découverte de la vie équestre et circadienne. »

Comme il l’a confié, il a eu beaucoup de chance au cours de sa vie et surtout, il a su saisir les opportunités. Ses premiers chevaux lui ont été offerts, ce qui l’a aidé…

L'arrivée de Mario Luraschi...

Surpris par le monde qui l'a accueilli

Une salle comble aux gradins remplis

Bruno et Mario en confidence


Il a débuté par le dressage de chevaux noirs qui ont fait une partie de sa marque de fabrique, d’autant qu’en Espagne, à cette époque, les chevaux noirs n’étaient utilisés qu’à un seul usage : tirer les corbillards lors des enterrements.

Par la suite, il a dressé quantité d'équidés, notamment en Haute École où il s’occupait, en moyenne, de 8 chevaux/jour, en sachant qu’il ne fallait pas toujours consacrer le même temps à chaque cheval.

Pour dresser, il avait une petite marotte, basée sur son chiffre fétiche « le 4 ». Il tentait la figure 4 fois, même si elle était réussie dès la première tentative. Si au bout de ces 4 essais, la figure était réalisée ou confirmée, c’était bon pour lui.

Ses méthodes ont été appréciées par beaucoup de grands cirques et souvent, ceux-ci, lui ont acheté des chevaux dressés, notamment avec le cirque Bouglione.

À la demande de Bruno, son intervieweur, qui a souhaité savoir comment déterminer un bon cheval à l’achat, il a expliqué :

« Celui qui prétend savoir acheter un cheval en l’observant 1 heure ou deux, c’est un charlatan. J’essaye le cheval pendant un mois sur différentes situations, dressage saut ou autres. Je donne mes intentions clairement, je les bride, puis j’essaye avec la selle. Il faut du temps pour trouver si ce cheval convient à ce que l’on en attend. Et malgré tout, on peut se tromper. Il n’y a pas de méthode précise, mais le temps est un élément majeur…



Une méthode de dressage, un truc pour bien acheter?

Pour le dressage, il ne faut pas non plus trop gâter le cheval. Il doit comprendre qui dirige. Si le cheval est brutal, il faut lui donner un coup de stick, fermement et non violemment. Il doit juste comprendre ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Fermeté et patience sont les maîtres-mots. Un geste commencé, demandé, doit absolument être terminé sinon, c’est instaurer un doute dans la tête du cheval et c’est fichu. Lorsque j’avais un cheval agressif, je le contournais en l’esquivant en essayant de l’attraper différemment sans prendre trop de risques. Pour les acheter, j’allais vers des chevaux de 2 ans, 2 ans 1/2. Au moment où ils sont moches, pas encore aboutis. Déjà, c’est plus intéressant financièrement, ils sont moins chers à cette étape de leur vie. Je ne fais, à ce moment, que du travail à pied avec eux et je cherche à les désensibiliser à tout ce qui pourrait les inquiéter, notamment le fouet. Celui-ci n’est pas fait pour frapper, mais juste pour indiquer. Donc il faut les y habituer.

Durant cette conférence, les intervenants ont marqué des petites pauses durant lesquelles des vidéos ont été projetées sur grand écran. Ce qui a permis de poser des questions en rapport avec celle-ci. Après avoir vu une figure exécutée par un cheval, l’animateur a demandé : « Est-il vrai que certains cavaliers du "Cadre Noir" se sont blessés en voulant réaliser cette acrobatie ? » Mario Luraschi a répondu en remettant les choses dans leur contexte. « J’ai expliqué cette cabriole lors d’une émission télévisée. Elle est particulière et pas facile à réaliser. Le cheval saute à la verticale et botte des 4 membres. Je l’ai tentée sans selle et cela a fonctionné. D’autres ont voulu faire pareil, mais pas avec le même résultat. Donc il y a certainement eu des chutes. Par la suite, j’ai été pris à partie par un cadre de Saumur, fâché (il était probablement tombé.) et m’a traité de saltimbanque, qualificatif que j’ai accepté avec fierté. » J’ai toujours dit : « Là où le dressage de Saumur s’arrête, mon travail commence… »

Que pensez-vous du monde équestre ? C’est un univers particulier et je regrette que les cavaliers de différentes disciplines ne se fréquentent pas, voire se snobent. C’est idiot. Au contraire, il faut partager les expériences et s’informer de ce que font les autres.

Je n’arrivais pas à savoir ce qu’était une selle de cosaque. Finalement, c’est un cavalier belge qui travaillait au cirque de Moscou qui m’en a montré une authentique et qui m’a expliqué pourquoi elle était conçue ainsi. Grâce à cette expérience, j’ai pu comprendre. Communiquer, c’est la base... Du coup, j’ai appris que les cosaques avaient des techniques de combat particulières sur les chevaux lancés au triple galop. Souvent, on pensait voir un cheval galoper seul alors que le soldat était caché sur le flanc, accroché aux étrivières et invisible aux yeux des combattants d’en face. De plus, le Tsar offrait 2 chevaux aux cosaques dits « voltigeurs » pour les remercier de leur ardeur et virtuosité au combat. Ceux-ci s’entraînaient tout le temps et dans leurs villages se livraient à des concours d’adresse. J’ai fait de la voltige jusqu’à l’âge de 67 ans.



Durant l’entracte, autour d’un verre de champagne offert par un maréchal Ferrant venu pour le rencontrer, Mario a poursuivi en « off » ses anecdotes ou ressentis.

« J’ai toujours eu une grande admiration pour le métier de Maréchal Ferrant. C’est une profession qui n’est pas prête de s’éteindre. Pendant 7 ans, j’ai ferré moi-même mes chevaux, j’aimais bien. Quant à l’alcool (le maréchal s’inquiétant que le niveau de champagne dans le verre ne descendait pas) je n’en bois que très peu. J'ai touché mon premier verre alcoolisé à l’âge de 28 ans. J’avais une vie très sereine et sobre. » Les acteurs avec qui vous avez aimé tourner ? Sophie Marceau. Elle est délicieusement gentille. Jean Dujardin qui est un gars normal, jamais râleur, un véritable plaisir et puis il y a Louis De Funès que j’ai doublé et avec lequel je garde de bons souvenirs. Par exemple, c’est moi qui l’ai doublé lorsqu’il danse sur un pied dans Rabbi Jacob !

Avec De Funès (Fufu) cela a été une histoire particulière. Je l’ai rencontré lors de « La Folie des Grandeurs ». Je réglais l’intervention du carrosse tiré à toute allure par des chevaux noirs. Et puis on m’a demandé de le doubler dans une scène. Il est arrivé devant moi, m’a regardé puis a dit au metteur en scène. « Cela va le faire, on y va ! » , puis il y a eu Rabbi Jacob, le gendarme et les extraterrestres… C’était quelqu’un de bien, mais très timide.


Après l’intermède, le question-réponse officiel a repris via l’intervention de Bruno, le « Monsieur Loyal » de cette soirée spéciale.


Tous les chevaux, peuvent-ils faire du cinéma ? Pour ce qui est « cascade » et « dressage » spécifique, non. Par exemple, un cheval qui doit chuter sans se blesser, ce n’est pas si simple. Ils ne sont pas tous capables de le faire. Loin de là. Le cheval doit pouvoir tomber en souplesse sans écraser le cavalier. Il n’y en a que 1 sur 20 qui soit capable de le faire. Pour le reste il y aussi le recours à certains trucages ? Par exemple le cheval qui monte sur une échelle, ce n’est pas vraiment une échelle. Dans les faits, il monte un escalier à pente raide avec un filin de sécurité pour ne pas qu’il bascule et chute vers l’arrière. Ensuite, l’image est retravaillée pour donner l’apparence d’une échelle. Sur un champ de bataille de fiction, lorsque le cheval est soi-disant mort, il est en fait bien vivant et exerce une figure de dressage. Le cavalier-dresseur est caché derrière le corps du cheval pour le rassurer. Il y a un dresseur par cheval dans ce cas. Autre exemple : lorsque le cheval marche sur une planche étroite à 9 m de hauteur. En réalité la planche fait 60 à 70 cm de large (elle est réduite ensuite à l’image.). Par contre le cavalier ne voit pas où le cheval doit placer ses membres. Donc, nous avons considéré les oreilles du cheval comme un viseur. Nous avons placé le cheval face à l’objectif à atteindre et avons tracé une ligne sur la planche, sur toute la longueur. De cette façon, la cavalière devait viser cette ligne entre les 2 oreilles du cheval pour rester dans l’axe. Sur la même scène, la planche bouge beaucoup. Cette partie de mouvement de la planche est réalisé à +- 50 cm du sol. »


Il y a eu d’autres cascades impressionnantes : celle où le cheval lancé au galop saute dans une chaloupe où se trouvent des comédiens. L’espace entre les acteurs et où doit atterrir le cheval faisait à peine 80 cm. Il s’agissait de bien viser. Ou encore dans le film « Napoléon » les 50 chevaux plongeant dans le courant du Danube, voire la cascade du cheval s’échouant dans une mare de boue (dans les faits, il tombe dans du polystyrène camouflé.)

Mario Luraschi, c’est aussi un nombre impressionnant de spectacles :

Pour en citer quelques-uns : le spectacle Ben Hur avec Robert Hossein (2006), Buffalo Bill's Wild West Show, à Disney Paris, Excalibur à Las Vegas, le Puy du Fou ou encore ce spectacle médiéval unique à Koltenberger Ritterturner en Allemagne avec 18 cascadeurs, 20 chevaux, 200 participants. » Même si chaque année la thématique change cela reste le plus aisé à réaliser et on a de la latitude pour s’amuser ». Le show Excalibur (chevalerie) à Vegas, ce sont 50.000 entrées Et le Buffalo Bill Wild West ? « Cela a été une belle aventure. J’avais été contacté par la firme Disney, mais je ne donnais pas suite. Pour moi, Disney, c’était Mickey et ses oreilles rondes, je ne voyais pas ce que j’allais aller faire là. Et puis on a insisté pour que je prépare un projet. On s’est rendu aux États-Unis et notre dossier a été mis en concurrence avec des Allemands, des Italiens et bien entendu des amerloques sans pitié. On avait travaillé plus de 6 mois sur cette proposition. J’avais une carte secrète. Auparavant, durant la préparation, j’ai rencontré quelqu’un qui avait participé au vrai show en 1904 et je suis arrivé avec toutes nos idées à Orlando. On y est resté une semaine. Il s’agissait d’un spectacle destiné, d’abord aux enfants. Les Américains n’ont pas tenu compte des horaires et ont prévu des séances trop tardives. Je l’ai fait remarquer. Ils ont été déboutés et nous avons obtenu le contrat. Cela a tourné plus de 20 ans.


En France, on monte un spectacle avec 10 % du montant qui serait alloué aux Américains. Cela s’appelle du talent ! Il y a eu pour ce show 800 cavaliers cow-boys et indiens. J’ai toujours voulu que les Indiens ne soient pas tournés en ridicule tant je suis attaché à leur culture. J’y ai même auditionné de vrais Indiens, des descendants de combattants de cette époque. Maintenant, le show a été retiré de la programmation. » Avec Robert Hossein, vous aviez un rêve… Nous rêvions tous deux de faire un « Ben Hur ». Nous nous étions rencontrés lors du tournage des Misérables. Cela a tout de suite collé entre nous. Je me suis retrouvé à un déjeuner avec Robert et Lino Ventura. Déjà, en présence de ces deux-là, j’étais dans un autre univers, puis il me dit : « Tu sais, je rêve de réaliser Ben Hur » je lui ai répondu « Moi aussi ». Un autre jour, il m’a invité au resto « La Cascade » près du Bois de Boulogne. Lors du repas, il m’a annoncé « Je vais réaliser notre rêve : Ben Hur au Stade de France. On a six mois. Tu en dis quoi ? » Et dans la foulée, j’ai répondu : « On y va ! » On s’est lancé à corps perdu dans ce show qui se réalise en direct. Ce n’est plus du cinoche. Les cascades avec les chars étaient dangereuses, spectaculaires et ont été calculées au millimètre. Les chevaux tournent quand même à près de 50 km/h, mais cela a été génial.


(Photo Hubert Fanthomme pour Paris Match) Que n’aimez-vous pas dans les réalisations de films ? Les incohérences et les anachronismes. Voir, par exemple, des brides décathlon sur un film historique, cela m’agace ! Ou encore, pour l’exemple : Attila sur une selle anglaise, c’est inouï, mais cela ne gêne pas certains réalisateurs. Pour « Napoléon », par exemple, j’ai veillé à ce que les mors soient des répliques identiques à l’original en faisant notamment reproduire le « N » si caractéristique. Un peu de crédibilité que diable ! Un Lorrain vous a donné un coup de pouce ? Effectivement, Claude Carliez, un Nancéien et un grand nom de la cascade et maître d’armes. Il a fait tous les « Fantômas » et autres films avec Jean Marais, il a travaillé avec Belmondo, Delon, Bourvil, Roger Moore… Une pointure. Il m’a présenté à Rémy Julienne, un autre roi de la cascade avec lequel j’ai participé aux cascades, entre autres, de 3 « James Bond ». Il y a peu, je suis intervenu sur le dernier clip de Mylène Farmer. Au total, je suis intervenu sur 561 films.


Vous êtes très attaché à vos chevaux ? Je les adore. On a acheté des très grands terrains en Espagne (Andalousie) afin que nos chevaux y vivent une retraite paisible jusqu’à leur dernier souffle. Je n’ai jamais voulu mettre mes parents en EHPAD et bien pour mes chevaux, c’est pareil… Aimez vos chevaux, ils le valent bien, a-t-il précisé. Et puis les chevaux cela vous ouvre toutes les portes. C’est quand même grâce à eux que j’ai eu l’honneur de déjeuner 2 ou 3 fois avec la Reine d’Angleterre et le prince consort Philip…

Des démonstrations de cascades sous l’œil du maître.

Les voltigeurs du Ménil Saint-Michel

en démonstration devant le Maître


À deux ou trois reprises, les cavaliers voltigeurs du Ménil Saint-Michel sont venus démontrer leur savoir-faire sur la longue piste longeant les gradins. Filles et garçons ont multiplié les déboulés acrobatiques et chutes volontaires au triple galop sous l’œil affûté du spécialiste qui les a chaudement félicités.

Des dédicaces jusqu’à pas d’heure…

Les organisateurs ont prévu un moment dédicace au sortir de l’événement. Une longue file d’admirateurs a attendu patiemment pour rencontrer Mario Luraschi, échanger avec lui, dédicacer livre, photos et posters et poser pour une photo souvenir avec ce "Monsieur" ô combien attachant.


Le temps des dédicaces et des photos


À ce jour Mario Luraschi vit en Picardie, dans une maison en rondins de bois, en forme de Tipi, entouré de chevaux et sur l’ancienne propriété, d’un de ses amis du cirque… Jean Richard.

Texte et photos : Alain Reynders

Quelques autres photos :













Merci à Mario Luraschi pour son extrême gentillesse et sa disponibilité .

Merci à Vincent Hardy pour la photo

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