Épinal - "Épinal fait son cinéma", un coup d’envoi réussi avec "Le Mohican"
- actuvosges88
- 20 mars
- 4 min de lecture
Le festival "Epinal fait son cinéma" a ouvert ses portes ce mardi 18 mars, mettant en lumière le 7e art à travers une programmation riche et engagée. La soirée inaugurale a été marquée par la projection de "Le Mohican", le dernier film de Frédéric Farrucci, une œuvre poignante sur la résistance et l’identité corse.

Un thriller au cœur des traditions corses
"Le Mohican" suit l’histoire de Joseph, l’un des derniers bergers du littoral corse, dont les terres sont convoitées pour un projet immobilier. Refusant de céder, il se retrouve plongé dans une spirale infernale après un accident tragique entraînant la mort d’un petit mafieux. Contraint à la fuite, il devient la cible d’une traque implacable à travers l’île. Sa nièce, Vannina, porte son combat et fait grandir sa légende, incarnant une résistance que beaucoup croyaient impossible.
Un film porté par des acteurs investis
Le rôle principal est tenu par Alexis Manenti, déjà couronné d’un César pour "Les Misérables". Ce film lui a permis de renouer avec ses racines corses et de livrer une performance intense et habitée. Le réalisateur a précisé que pour « coller » à son personnage, Alexis Manenti s’était imposé des immersions dans les bergeries pour apprendre les gestes et le métier au plus près. Bien que connaissant la langue Corse il a également approfondi ses connaissances afin de pouvoir être le plus crédible possible. Un vrai professionnel

À ses côtés, Mara Taquin, une comédienne belge dont la notoriété ne cesse de grimper a incarné Vannina avec une énergie et une sincérité remarquables.

Une œuvre inspirée de faits réels
Frédéric Farrucci s’est inspiré d’une figure bien réelle : Joseph Terrazzoni, un berger du littoral corse qui a consacré sa vie à préserver son mode de vie face aux pressions foncières et économiques. Lors du tournage d’un documentaire en 2017, le réalisateur a découvert cet homme hors du commun, qui se définissait lui-même comme "le dernier des Mohicans" conscient d’être une « anomalie » dans le paysage du littoral Corse. Ce personnage a nourri la construction du héros du film, donnant à l’histoire une résonance authentique et universelle.

Interview avec Frédéric Farrucci
Actuvosges : "Ne retrouve-t-on pas des similitudes entre le vrai Joseph (Terrazzoni) et votre acteur ?"
Frédéric Farrucci : "Effectivement, on peut le voir ainsi, notamment dans la simplicité de l’habillement ; dans le prénom également. Alexis Manenti possédait cette authenticité que je recherchais."
Actuvosges : "Il me semble, après avoir regardé le reportage Via di vita: Joseph Terrazzoni "Un Mohican" et votre film, que les lieux de tournage sont les mêmes ?"
Frédéric Farrucci : "Vous êtes observateur (rires). C’est bien dans la bergerie de Joseph Terrazzoni que nous avons tourné. Nous avons conservé ainsi la rusticité de l’endroit, mais aussi toute son authenticité. Présenter la bergerie et la culture corse, c’est s’immerger dans un monde où le respect des traditions se conjugue avec la beauté de la nature."


Actuvosges: "En ce qui concerne le scénario, construit sur un fond de mafia et de pressions au profit de promoteurs peu scrupuleux, n’était-ce pas osé ?"
Frédéric Farrucci : "J’ai appris que certains collectifs qui combattent la bétonisation et la destruction du patrimoine Corse ont parfois cité mon film en exemple, mais je ne crois pas que cela va changer grand-chose dans le fonctionnement de ces organisations. Mon film ne cite personne en particulier. Je voulais surtout montrer que l’uniformisation du territoire était un fléau pour la Corse et ses traditions."
Actuvosges: "Même si l’on se base sur le fond de l’histoire de Joseph Terrazzoni, on imagine que cela a été quelque peu romancé ?"
Frédéric Farrucci : "Tout est fiction, mais on pointe vers une constellation de faits qui se sont produits en Corse ces 20-30 dernières années. La solidarité entre bergers est bien réelle, tout comme certains actes de violence. Quant aux manifestations pour la libération du vétérinaire (qui joue son propre rôle) dans le film, elles s’inspirent d’émeutes ayant eu lieu à Corte, Ajaccio et ailleurs après la mort d’Yvan Colonna en prison."
Actuvosges : "Au final, comment les Corses ont-ils accueilli le film ?"
Frédéric Farrucci : "Il y a eu une première projection en septembre 2024, puis en janvier 2025. On a ressenti de suite un effet cathartique. Le film a été accueilli avec émotion et enthousiasme. Beaucoup se sont reconnus dans cette histoire, ce qui montre qu’elle touche à une vérité profonde."

Un hommage à la Corse et à ses combats
Le réalisateur, lui-même corse, a souhaité inscrire son film dans une continuité historique et politique. "Le Mohican" n’est pas qu’un thriller haletant, c’est aussi un cri d’alarme contre la bétonisation et la destruction du patrimoine insulaire. Frédéric Farrucci a souligné que, bien que son œuvre soit une fiction, elle s’est appuyée sur des faits ayant réellement eu lieu ces dernières décennies en Corse.
En parallèle il a offert une ode à son île en offrant grâce à des plans sublimes et un traitement visuel soigné, une Corse magnifiée, devenant un personnage à part entière de l’intrigue.

Un festival sous le signe de l’engagement
Avec cette projection inaugurale, "Épinal fait son cinéma" a affiché sa volonté de mettre en avant des films forts et engagés. En s’ouvrant sur "Le Mohican", le festival a souligné l’importance du cinéma comme vecteur de réflexion et de transmission culturelle.
Le public est désormais invité à découvrir une programmation variée, où d’autres œuvres tout aussi marquantes seront mises à l’honneur, confirmant une fois encore qu’Épinal est une terre de cinéma où la culture a toute sa place.
Rédaction : Alain Reynders
Photos : captures écran de "Le Mohican" et "Épinal fait son cinéma"
Comentários