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Uxegney – Trois artistes, trois univers : l’Usine devient écrin d’une exposition exceptionnelle

À Uxegney, l’ancien site industriel que l’on appelle simplement l’Usine s’est transformé à nouveau, ce week-end, en galerie éphémère. Jusqu’au 28 septembre, chaque samedi et dimanche, de 14 h à 18 h 30, le lieu accueille une triple exposition inédite réunissant Pierre Pelot, Harmony Descamps et Éric Claude. Trois sensibilités, trois écritures plastiques, un même désir de partage.

L’inauguration, ce samedi 6 septembre, a rassemblé artistes, élus et amateurs d’art venus nombreux découvrir cette alchimie singulière.


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De g à dr : Eric Claude, Bernard Visse, Daniel Visse, Pierre Pelot, Philippe Soltys (maire d'Uxegney) et Harmony Descamps


Pierre Pelot, le romancier revenu aux pinceaux

On connaît surtout Pierre Pelot pour ses livres : près de deux cents romans au compteur, du western à la science-fiction, de la saga historique au roman noir. Mais avant les mots, il y a eu le dessin. En 1963, le jeune Vosgien de 19 ans avait osé envoyer ses planches à Hergé. Réponse culte : « Texte brillant, dessin encore maladroit ». Une critique douce, mais surtout un encouragement à persévérer dans l’écriture. Hergé, séduit, signera même, plus tard, la seule préface de sa carrière pour Le Tombeau de Satan en 1969.


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Bernard Visse lors de sa présentation de la partie d'expo consacrée à Pierre Pelot


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Bernard Visse, Pierre Pelot et Philippe Soltys


Soixante ans plus tard, Pelot a renoué avec la peinture. Ses toiles exposées à Uxegney ont révélé des paysages vosgiens vaporeux, des nus féminins délicats, et quelques clins d’œil espiègles, comme ce petit cycliste jaune.— « De mes œuvres ? Il n’y a rien à dire. Il faut juste les regarder et tout est dit », a glissé l'artiste avec humour. Puis, plus sérieux, il a confié :— « Toutes mes toiles ont leur propre histoire. Les modèles m’ont confié des photos, des moments de vie. Cette composition de trois jeunes femmes, par exemple, assemble trois poses distinctes. Je les ai rassemblées en une seule toile. D' autres peintures ont trouvé leur origine à partir d'une photo familiale, notamment avec mon épouse durant des moments de détente. Des instants authentiques. »


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Trois modèles différents pour une même toile

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En évoquant Hergé, les souvenirs ont ressurgi :— « C’était un Monsieur, très gentil. D’ailleurs, chaque Belge que j’ai croisé dans ma vie était sympa. À l’époque, candide, j’avais eu l’audace de lui envoyer mes dessins. Il a pris le temps de répondre et de m’encourager vers… l’écriture (rires). Plus tard, à la demande de mon éditeur – qui était belge lui aussi –, il a accepté de préfacer un de mes livres, gratuitement, juste pour faire plaisir. C’est la seule préface qu’il ait écrite de toute sa vie. Nous avons même été invités, mon épouse et moi, à boire le thé chez lui, en région bruxelloise. Son intérieur, c’était une BD à ciel ouvert. Incroyable. »


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Pierre Pelot


Devant ses 80 toiles déployées dans la grande salle de l’Usine, il a admis :— « Cela fait drôle. Elles s’entassaient dans mon atelier, je ne les avais jamais vues ainsi. Et ici, dans ce lieu si particulier, si exceptionnel…C'est surprenant, touchant. Je n’ai aucun regret et j’en suis même ému. En fait, c’est mon ami Bernard Visse qui voulait en exposer 80 cette année, pour célébrer mes 80 piges. C’était original et finalement une bonne idée. »

 

Harmony Descamps, les visages comme miroirs

Avec Harmony Descamps, ce sont d’abord les regards qui vous happent. Des éclats silencieux qui ont percé le grammage du papier, des fenêtres ouvertes sur l’intime. L’artiste a exploré les émotions enfouies derrière un visage comme on soulève un voile fragile. Ses portraits, nourris de l’héritage des maîtres flamands et italiens, vibrent d’une intensité contemporaine. Ombres et lumières ne se contentent pas de modeler les formes : elles sculptent des âmes, où se lisent la fragilité, la grâce, le doute ou la force. On en ressort comme d’une rencontre, troublé, touché, parfois ébranlé.


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Depuis l’enfance, le dessin s’est imposé à elle comme une langue maternelle. Elle a suivi des cours d’art à Paris, mais les cadres trop rigides l’étouffaient. Elle, rêvait déjà d’ombres mouvantes, de lumières vibrantes, de matière et de souffle dans la finesse du trait.

« Mon travail s’articule principalement autour du fusain, du crayon et de la peinture à l’huile. La recherche d’esthétisme et le souci du détail sont au cœur de ma démarche. Fascinée depuis toujours par la maîtrise technique des peintres de la Renaissance italienne et flamande, j’essaie de retrouver cette intensité : chaque ombre, chaque éclat de lumière révèle une émotion enfouie », a-t- elle confié.

Ainsi, Harmony a exploré la complexité des émotions humaines et livré des portraits qui interpellent, qui bouleversent. Le spectateur peut hésiter : photo ? dessin ? Ce flou, cette incertitude, naît de la précision vertigineuse de son geste. Et pourtant, tout n’est que mine de plomb et huile travaillée avec patience. Ses visages, ses regards, semblent respirer au-delà du papier.« J’aime dessiner les yeux parce qu’ils ne mentent pas et qu’ils disent ce que moi je tais », a-t-elle murmuré.


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Éric Claude, la matière comme mémoire

Chez Éric Claude, la peinture n’est pas seulement couleur : elle est cicatrice, palimpseste, mémoire inscrite dans la matière. Originaire du Val-d’Ajol, il a commencé à treize ans par des gestes d’enfant visionnaire : peindre à la gouache de vieux draps enduits de farine et d’eau. En séchant, la toile improvisée se craquelait comme une fresque antique, ouvrant déjà une voie faite de fragilité et de profondeur.


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Eric Claude et Bernard Visse


Ses premières huiles datent de 1977. Dès lors, tout est devenu support ou terrain d’expérimentation. Les impressionnistes lui ont offert la lumière, les surréalistes l’audace. Plus tard, les univers de Rauschenberg, Tàpies et Basquiat l’ont invité à gratter, à bousculer, à inscrire dans la surface les traces du chaos et de la liberté.

De cette alchimie est née la « scarigraphie » : une écriture par entailles. Des couches de peinture posées, puis arrachées, scarifiées, jusqu’à ce que les strates enfouies s’expriment d’elles-mêmes. La toile devient peau, mémoire blessée, terrain de fouilles où apparaissent des fragments d’histoires.Parfois, il a poussé plus loin l’expérience : photos développées sur toile, ensuite scarifiées, hybridées de peinture, jusqu’à devenir des « scarigraphies matricielles », où la matière a raconté ce que l’image seule taisait.


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Inspiré par Boudin, Dalí, Basquiat, Tàpies, il a composé des univers où se sont croisées la ville et ses fractures, l’écologie et ses urgences, la liberté et ses élans. Entre chaos et silence, ses œuvres ont oscillé comme des battements de cœur.

En 2012, une formation de céramiste lui a ouvert encore d’autres possibles. La terre, comme la toile, devient surface de mémoire, prête à recevoir griffures, empreintes, cicatrices.

Chez Éric Claude, chaque œuvre est une archéologie intime. Une matière travaillée comme on fouille une mémoire : pour faire surgir ce qui reste, ce qui résiste, ce qui palpite encore sous les strates du temps.

Trois voix, une seule résonance

À l’Usine, ces univers dialoguent sans s’éteindre. Le récit pictural de Pelot répond aux visages habités de Descamps ; les matières de Claude bousculent, brisent et relient à la fois. Le visiteur passe d’une salle à l’autre comme d’un chapitre à l’autre, relié par un fil invisible : l’émotion et la curiosité.

Jusqu’au 28 septembre, l’Usine offre bien plus qu’une exposition : une respiration, un moment suspendu où la peinture devient conversation.


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Pierre Pelot, Laetitia Reynders et Lara Reynders


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Pierre Pelot et Philippe Soltys, maire d'Uxegney


Infos pratiques :

Exposition ouverte les week-ends, du 6 au 28 septembre 2025, de 14 h à 18 h 30, à l’Usine, rue Victor Perrin, Uxegney. Entrée libre

Rédaction et photos : Alain Reynders

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